Parlez-nous un peu de vous Aline Kerneïs...
D’où vous est venue cette passion
pour l’écriture ? J’avais 16 ans lorsque j’ai commencé à écrire en toute innocence sur un journal intime que l’on se partageait avec deux amies du lycée. Pour avoir la paix, je m’enfermais la nuit dans les toilettes de l’internat ou dans ma chambre chez mes parents le weekend, la musique collée aux oreilles. Pour avoir été une enfant relativement introspective puis une adolescente tourmentée, la passion m’est venue lorsque je ne pouvais plus contrôler ce besoin viscéral de cracher mes maux sur papier, d’y déverser mes tripes, tout ce que j’étais alors incapable d’exprimer oralement et que l’écriture me permettait d’exhaler - bien qu’à l’époque, je hurlais à demi-mots en me planquant lâchement derrière des personnages fictifs. Une première nouvelle est ainsi née de cette période noire, intitulée "Dans l’Antre des Autres". Quels sont les auteurs qui vous ont inspiré(e) ? Mon premier choc littéraire fut "Maudit Manège" de Philippe Djian, pour la qualité du travail en profondeur des personnages plus que l’histoire en elle-même. Djian a cette façon bien à lui de fouiller dans la crasse du genre humain avec une aisance déconcertante, tout en la rendant belle et émouvante, ce qui m’a réellement fascinée. Pour citer un grand classique, j’ai également été impressionnée par "Une Vie" de Maupassant, pour la personnification des éléments avec laquelle l’auteur rehausse son récit et transmet ses messages à la société. Une illustration parfaite serait cette description d’un coucher de soleil rouge sang tandis que Jeanne, protagoniste principale et jeune naïve pucelle des réalités rêvant de l’homme idéal, se fait bestialement déflorer lors de sa lune de miel avec Julien, son mari rustre, avare et égoïste, un homme qu’elle n’a pas choisi. Ici, Maupassant nous offre une superbe allégorie du viol consenti par la société sous le joug du mariage d’intérêts. En dehors des grands classiques de la littérature que j’ai étudiés, mes lectures ont vagué au fil des questions existentielles que je me posais ; mais à dire vrai, plus vous lisez, plus vous devenez sélectif, voire catégorique dans vos choix d’auteurs. Aujourd’hui, je recherche la profondeur, l’anticonformisme, la qualité de la rhétorique, la technicité, les mots qui claquent, qui s’entrechoquent et qui raisonnent en puissance dans mon encéphale, plutôt que les belles histoires dégueulant en masse dans les rayonnages d’Auchan la vie la vraie. Cela m’a naturellement amenée à tomber en adoration pour des auteurs tels que Charles Bukowski, John Fante, Iceberg Slim, Kafka, Oscar Wilde ou encore mon ami Richard Tabbi que j’ai découvert en lisant "Zombie Planète" et qui, selon moi, est le meilleur écrivain français actuel. Parmi tous vos romans, de quels personnages êtes-vous le plus proche ? Pourquoi ? Il s’agit sans aucun doute de Lily, narratrice homodiégétique de mon eBook "Lessons of Love", un essai purement autobiographique écrit en anglais et publié en 2013 sur Amazon. Je vous invite d’ailleurs à lire sur mon blog d’auteur l’interview que j’ai donnée la semaine dernière sur une radio américaine et dont j’ai retranscrit le contenu en français. On y parle d’amour et de relations amoureuses en profondeur, c’est très intéressant ! http://alinekerneis.blogspot.co.uk/2014/01/mon-interview-sur-la-radio-americaine.html Comment vous sentez-vous à l’approche de la sortie d’un de vos livres ? En toute honnêteté, je me sens très bien, puisque vendre n’est pas ma priorité. D’ailleurs, je ne regarde jamais les relevés, afin de ne pas en devenir obsédée ou dépitée. J’écris purement par passion, pour moi d’abord, sans me demander ce que les lecteurs ou les élites en penseront. Aussi surprenant que cela puisse paraitre, c’est la meilleure façon pour qu’ils s’y reconnaissent et je crois que c’est ce qu’ils apprécient le plus dans mes écrits. A dire vrai, je n’ai aucune prétention ; je partage simplement des mots sortis des tripes, lâchés à l’instinct. De plus, devenir commercial est selon moi le meilleur moyen d’imposer des limites à ses œuvres, à son expression, au style, aux sujets abordés, à la langue aussi (puisque j’écris en français ou en anglais, selon mes envies), en sus de devoir satisfaire les deadlines et de meubler par un vide littéraire d’une absolue chiantitude mais constituant un pavé acceptable pour le marché. Par ailleurs, les meilleures ventes font-elles les meilleurs œuvres ? Bukowski a enduré des années de pauvreté avant de pouvoir vivre confortablement de l’écriture, tandis que ses contemporains sans talent explosaient les chiffres grâce aux "opés" marketing. Etre écrivain aujourd’hui, c’est comme dans tout business : ce n’est pas d’avoir du talent qui compte, mais qui vous connaissez ; et pour cela, ça ne m’intéresse pas de faire dans l’écriture stratégique, ni même de plastifier mes livres comme une arnaque criante, voire de les promouvoir en tête de gondole en y accolant une étiquette "Prix Ducon" afin de booster les ventes et de paraître dans Cosmo. Je veux rester libre en tout et avant tout, quitte à ne pas vendre en masse ; chacun son truc. Comment réagissez-vous face aux critiques négatives ? Lorsque vous écrivez avec vos tripes, sans limite et sans compromis, vous prenez indéniablement le risque de déplaire à ceux que certaines émotions dérangent ; en général, elles sont enfermées dans une boite de Pandore qu’ils n’osent pas ouvrir eux-mêmes et je les comprends, en ce sens que ce n’est pas confortable de les reconnaitre et de les affronter. A moi, elles me fascinent… Tout simplement, vous ne pouvez pas plaire en masse, ou alors il faut lisser vos écrits en y dégueulant une couche de superficialité conformiste et encore une fois, cela ne m’intéresse pas. |
Avec quel(s) auteur(s) aimeriez-vous travailler ?
Sans hésitation, je citerai Richard Tabbi, Ludovic Lavaissière, Serge Scotto et Patrick Jouanneau ; et comme la vie peut se montrer parfois surprenante et féerique, j’ai la chance inespérée de pouvoir réunir ma "Dream Team" autour d’un projet business que je développe actuellement et auquel ils contribueront de façon hebdomadaire dans une rubrique qui s’intitulera "Les Tontons Flingueurs". L’année 2014 sera extrêmement chargée pour moi, aux dépens de toute vie personnelle, mais quel bonheur intense de pouvoir travailler avec les meilleurs ! Nous sommes tous excités comme des puces, c’en est indescriptible… Un comble pour des écrivains ! J’en dévoilerai davantage dans les semaines à venir, donc n’hésitez pas à me suivre sur Facebook, Google+ ou encore sur mon blog d’auteur http://alinekerneis.blogspot.co.uk/. Cela a-t-il été compliqué de faire publier votre premier manuscrit et comment cela s’est-il passé ? Avant de publier "Lessons of Love" sur Amazon, je me suis souvent demandée, "Puis-je vraiment partager cela, vraiment ?" En effet, il s’agit d’un essai très… très spécial, on ne peut plus intime et vrai. Toutefois, lorsque vos proches ou même des inconnus se reconnaissent dans votre manuscrit, qu’ils vous remercient de les avoir aidés à apprendre leurs propres "Leçons d’Amour", voire à se découvrir eux-mêmes à travers vos réflexions spirituelles, vous ne pouvez qu’être heureuse et vouloir rendre votre manuscrit accessible au monde entier pour un prix dérisoire. A contrario des éditeurs locaux, Amazon me permet d’atteindre des lecteurs internationaux et en effet, quoi de plus incroyable que de recevoir les remerciements d’une lectrice Cambodgienne par exemple… C’est à s’en décoller la rétine ! Avant de publier un livre, le faites-vous lire à des personnes de votre entourage ? Oui, bien sûr ! Mais quoiqu’ils en pensent, je publie tout de même mes écrits après les avoir enrichis de leurs remarques et conseils, tout simplement parce qu’encore une fois, j’écris pour moi, que cela plaise ou pas. Je n’oblige personne à me lire… Quels sont vos projets ? Tout d’abord, achever mon projet business en étroite collaboration avec le Dr Daniel Hulme, jeune CEO Londonien au génie incommensurable, et l’appui de mon ami et associé Mike Pannell, sans qui je n’aurais jamais pu réaliser mes rêves. Tout simplement, vivre de mes passions, écrire plus de poésies sur mon blog d’auteur, plus de chansons également, promouvoir Parisatori et The Blues Project, deux groupes extraordinaires pour ceux qui ont de vrais goûts musicaux ; également, finir l’écriture d’un nouveau livre en français intitulé "Le Rétamé", un essai plein de tripes, ouvrant la boite de Pandore d’un vieil homme bousillé à qui une jeune femme spéciale changera la vie… J’ai également en projet personnel de me rendre à St-Pierre-et-Miquelon pour trinquer avec mon ami Morgan qui distille dans son garage, mais chut ! C’est un secret… Pour ceux qui ne connaîtraient pas encore votre univers, que leur diriez-vous afin de les inciter à le découvrir ? Si vous osez… Mais attention, vous risquez ensuite de jeter au grenier un tas de bouquins pour rien. A vos risques et périls, donc. Liens: (Parisatori) http://www.youtube.com/watch?v=cbOQiTk6sFg (The Blues Project) http://www.youtube.com/watch?v=zFUimNAJ-S8 |
Date de l'interview : Janvier 2014 © Des encres sur le papier