Parlez-nous un peu de vous Audrey Françaix...
D’où vous est venue cette passion
pour l’écriture ? C’est héréditaire, je pense… J’ai grandi auprès de ma grand-mère maternelle, qui lisait énormément et écrivait ses mémoires. « Une fois que l’on sait lire, on ne s’ennuie plus jamais. » disait-elle. Motivée par ces mots, je dévorais mes premiers romans à l’âge de cinq ans. La maison était remplie de livres car mon papa, ébéniste et brocanteur, en rapportait régulièrement de ses pérégrinations. Bien souvent, je l’accompagnais pour dénicher ces trésors sur les braderies, ou dans les greniers de ses clients. Et vers neuf ans, j’ai ressenti à mon tour un énorme besoin d’écrire... Des textes sombres, reflétant les questions un peu « morbides » que se pose une gamine qui lit Jean Ray, Lovecraft, Masterton, se passionne pour les films de la Hammer, et a déjà vu les « Griffes de la Nuit » alors qu’elle est encore en âge de jouer à la poupée. Bref, c’était une façon de me libérer de mes cauchemars, en quelque sorte. Heureusement, en grandissant, j’ai élargi ma vision de l’écriture : après avoir profité de ses vertus curatives, j’ai découvert qu’elle possédait bien d’autres pouvoirs, comme celui de l’évasion. Quels sont les auteurs qui vous ont inspiré(e) ? J’ai lu un peu tout ce qui me tombait sous la main : polar, fantastique, fantasy, littérature générale… Je suis curieuse de tout ! Cependant, l’auteur qui a suscité chez moi l’envie de devenir écrivain est incontestablement Jean Ray. Petite, j’aimais décrire des atmosphères étranges, semblables à celles de ses romans et ceux de la vieille collection « Marabout Fantastique ». Je voue également une très grande admiration à Simenon. Je ne m’en inspire aucunement, car mes histoires sont totalement différentes de son univers, mais il appartient à ces auteurs fascinants qui entretiennent la flamme de l’écriture. Cependant, depuis que j’ai fait de ma passion mon métier, je lis très peu de romans, pour ne subir aucune influence. Je préfère dévorer des essais, des récits de voyages, ou des biographies. Parmi tous vos romans, de quels personnages êtes-vous le plus proche ? Pourquoi ? Segby, le mycologue du « Festin d’Ohmelle ». Il est respectueux de la nature et attentif aux plaisirs simples de la vie. Il n’est pas compliqué, mais il est très sensible. Il déguste chaque petit bonheur avec un très grand soin : boire du thé au coin du feu, partager un vin jaune avec des amis, marcher sur des tapis de feuilles d’automne, humer la bonne odeur de la terre après la pluie… Il est libre car il se contente de peu. Ça ne l’empêche pas de vivre de grandes aventures. Mais voir les trésors qui sont à notre porte, se passionner pour quelque chose d’abordable - livres, nature, champignons ou autres - accroît notre capacité à nous sentir libres. Et on en a bien besoin ! Comment vous sentez-vous à l’approche de la sortie d’un de vos livres ? Joyeuse ! Excitée ! La sortie d’un livre est associée à de nouveaux échanges avec mes lecteurs, de nouvelles dédicaces et, donc, des heures de bavardage avec des personnes qui partagent ma passion pour la littérature. J’adore m’enfermer dans mon bureau pour écrire, mais je suis toujours très impatiente d’aller à la rencontre de mes lecteurs, de recueillir leurs impressions, et qu’ils partagent avec moi leurs propres rêves et univers. Quand il s’agit d’un roman jeunesse, c’est un vrai plaisir d’aller le présenter dans les écoles, d’expliquer le métier d’auteur aux enfants et de les aider ensuite à coucher leur propre imaginaire sur le papier. Après avoir écrit durant des mois dans le silence - un peu égoïstement - j’éprouve le besoin de partager généreusement mes univers et de découvrir ceux des autres. |
Comment réagissez-vous face
aux critiques négatives ? Quand elles sont fondées et explicites, je les considère comme constructives et bienvenues. Mais quand je lis des critiques (que ce soit au sujet de mes romans ou de ceux de mes collègues) qui sont amères et même parfois agressives, je n’y prête aucune attention. Certaines personnes s’autoproclament « critiques » pour décharger leur frustration de ne pas être auteur, ou de ne pas être heureux tout simplement. Et ça n’a aucun intérêt, à mon sens. Cependant, j’ai la chance d’avoir un lectorat très sympathique, et de bons retours sur mes romans qui me motivent à poursuivre le métier d’écrivain. Avec quel(s) auteur(s) aimeriez-vous travailler ? Mon mari (Pierre Grimbert) et moi avons un projet à quatre mains. Cela fait des années – des siècles ! – que nous l’avons évoqué, mais nous ne trouvons jamais le temps de le réaliser. Cela a-t-il été compliqué de faire publier votre premier manuscrit et comment cela s’est-il passé ? J’ai écrit un premier roman jeunesse entre seize et dix-sept ans. Les éditeurs l’ont refusé, mais toujours en me signalant explicitement les défauts et les qualités de mon travail. Motivée par leurs encouragements, j’ai écrit un second roman, que les éditions Degliame ont publié l’année de mes dix-neuf ans. Donc, ce fut relativement rapide. Avant de publier un livre, le faites-vous lire à des personnes de votre entourage ? Mon mari, essentiellement. Ma maman et mes fils parcourent parfois quelques pages, pour me donner leurs impressions. Mais tout au long de l’écriture de nos romans respectifs, Pierre et moi discutons de nos projets, de nos idées, et nous relisons mutuellement. Nous ne nous influençons pas, car nos univers sont bien différents, mais nous nous motivons. Le simple fait de discuter de nos textes en cours leur donne une véritable dimension et nous apporte une formidable énergie dont bénéficient nos personnages. Quels sont vos projets ? J’en ai toujours plusieurs sur le feu. Je fourmille d’idées ! L’écriture d’un nouveau « Monstre en Cavale ! » totalement déjanté, mais aussi un polar façon « humour noir », ou encore un roman de fantasy adulte pour lequel j’ai déjà pris un millier de notes. A savoir lequel verra le jour en premier, alors là : mystère ! Pour ceux qui ne connaîtraient pas encore votre univers, que leur diriez-vous afin de les inciter à le découvrir ? Je ne me cantonne pas à un seul univers ; je voyage de l’un à l’autre. J’adore goûter à tous les styles d’écriture. La jeunesse, le polar, le fantastique, l’érotisme, la fantasy… Changer de registre est pour moi un véritable défi, et cela m’amuse beaucoup. Selon mes lecteurs, mes histoires regorgent d’inventions complètement délirantes, et c’est ce qui les séduit. Certains lecteurs épicuriens se plaisent à sillonner le pays en quête d’aventures et de bières bien fraîches (« Le Festin d’Ohmelle »)… D’autres optent pour l’art de dégommer ses ennemis quand on est vieux et pleins de hargne (« Le Club des Apprentis Criminels »)… Ou enfourchent un balai pour aller apprendre le kung-fu et boire du thé de lune avec les sorcières du monde entier (« Baba Yaga, la sorcière givrée »)… Ou encore partent-ils pour les terres sanguinaires des barbares Galaghels (« Le Cycle de la Chair »)… Mes travaux paraissent hétéroclites, mais ils ont tous un point commun : le désir de rassembler des personnes pour de grands moments d’évasion où tout est permis, surtout les rêves les plus dingues ! |
Date de l'interview : Octobre 2015 © Des encres sur le papier