Parlez-nous un peu de vous Delphine Laurent...
D’où vous est venue cette passion
pour l’écriture ? J’aime écrire depuis que je suis toute petite : de petites histoires, des poèmes, des paroles de chanson. Je ne les faisais jamais lire, ou très peu. C’était uniquement pour mon plaisir. Quand, autour de moi, les gens avaient besoin que quelqu’un leur rédige un texte (un petit article de journal, un sketch ou une petite pièce de théâtre, un texte de présentation), ils me le demandaient. J’étais l’écrivain public. Quand j’ai commencé à écrire ’Nohea’, mon premier roman, c’était juste supposé être une nouvelle que ma fille aurait plaisir à lire quand elle serait plus grande. De paragraphe en paragraphe, de page en page, la nouvelle est devenue un roman. J’ai pensé à l’édition à compte d’auteur, juste pour pouvoir tenir entre mes mains une version papier de ce travail. Mais au final, je me suis dit qu’il vaudrait la peine de tenter un envoi à des éditeurs avant, au cas où. Vous connaissez la suite ! Quels sont les auteurs qui vous ont inspiré(e) ? Ouh, là, question difficile ! Je pense que chacune de nos lectures nous inspire, nous imprègne, qu’on le veuille ou non. Je ne retiendrai donc que celui qui a été mon premier coup de foudre littéraire : Barjavel, avec ‘La Nuit des Temps’. Je me souviens que ce roman m’a engloutie, happée. J’avais douze ou treize ans. J’ai ouvert le livre, et j’ai découvert un univers, un style, des personnages, une intensité… je lisais déjà beaucoup avant, mais cette lecture a été une révélation. J’en suis sortie bouleversée et changée. J’ai compris la force du roman avec Eléa et Paikan, avec la plume riche et colorée de Barjavel. Parmi tous vos romans, de quels personnages êtes-vous le plus proche ? Pourquoi ? C’est un peu comme me demander de choisir lequel de mes enfants je préfère, impossible ! Chaque personnage a une place particulière dans mon cœur. Ma relation avec eux ressemble vraiment à celle que je pourrais avoir avec des gens réels : j’apprends petit à petit à les connaitre, ils me confient leurs secrets. Ils m’émeuvent, me débectent, me surprennent, m’émerveillent, m’énervent. Même ceux que je déteste au début finissent par me séduire d’une manière ou d’une autre. Aucun personnage n’est entièrement moi, évidemment, mais j’aime me saupoudrer, de-ci de-là, dans une sensibilité, une attitude, une tournure de phrase. J’emprunte parfois aussi à des personnes que je connais ou que je côtoie une chose ou l’autre, un trait physique ou de caractère. Gare à vous donc, si vous me croisez, il n’est pas à exclure que vous finissiez dans un de mes romans ! Comment vous sentez-vous à l’approche de la sortie d’un de vos livres ? C’est un mélange d’appréhension légitime (comment les lecteurs vont-ils recevoir le livre ? Aurais-je su les faire rêver, les émouvoir, les entraîner ?), de soulagement (ouf, on y est, fini les corrections, les coups de stress de dernière minute sur une coquille ou un souci de mise en page), de plénitude (ça y est, je l’ai fait, mon histoire vit maintenant chez les lecteurs) et de nostalgie (ce ne sont plus ‘mon livre', ‘mes personnages’, ‘mon histoire'… maintenant, ils sont à tout le monde, je dois les laisser partir, couper le cordon). C’est une sacrée montagne russe d’émotions ! Comment réagissez-vous face aux critiques négatives ? En général plutôt bien. J’estime que je suis une auteure en apprentissage (et le resterai sans doute toute ma vie), j’ai donc toujours quelque chose à apprendre d’une critique constructive. Je suis reconnaissante quand les gens prennent le temps de me lire et me faire un retour, même négatif. Cependant, certaines critiques sont dures à encaisser, surtout sur internet où certaines personnes ne prennent vraiment pas de gants et sont parfois d’une violence assez inouïe. En face à face, c’est plus simple, on peut dialoguer, tirer de la critique ce qui fera progresser notre écriture, ce sont généralement (et étonnamment) de beaux et riches moments que de partager avec quelqu’un qui n’a pas aimé mon livre ! |
Avec quel(s) auteur(s) aimeriez-vous travailler ?
Et sinon, vous en avez, des questions faciles dans cette interview ? Oh là là… dur dur de choisir, il y a tant d’auteurs fantastiques ! Je me cantonnerai à la littérature jeunesse et young adult, du coup. Alors, je dirais : Séverine Vidal, pour sa capacité merveilleuse à faire naitre l’émotion, la tendresse, pour la justesse de ses personnages et son sens du rythme du récit. ‘Quelqu’un qu’on aime’ (éd. Sarbacane) est l’un de mes coups de cœur majeurs de ces derniers mois. J’adorerais aussi travailler avec Victor Dixen. Sa plume remarquable m’enchante, son exceptionnelle maitrise de la narration m’inspire et me pousse travailler, son style est cristallin, riche mais sans lourdeur, bref, je suis fan. Ses séries ‘Phobos’ (éd. Collection R) et ‘Animale’ (éd.Gallimard) sont des joyaux. Et enfin, avouons-le, si JK Rowling a cinq minutes, je pense qu’elle pourrait m’en apprendre un bout sur l’art de tisser un univers dense, riche et cohérent, et sur celui de ne pas se poser de limites arbitraires dans son développement. Cela a-t-il été compliqué de faire publier votre premier manuscrit et comment cela s’est-il passé ? Oui et non. Je n’avais comme je l’ai déjà dit, pas vraiment la prétention de faire éditer ‘Nohea’. J’ai juste tenté ma chance, pour voir. Ça a marché chez un tout petit éditeur qui depuis a mis la clé sous la porte. Ça reste cependant pour moi une belle expérience, car elle m’a mis le pied à l’étrier, permis de belles rencontres et donné la confiance dont j’avais besoin pour persévérer dans l’écriture. Du coup, pour mon second roman ‘Nous Sommes Ceux du Refuge’, je visais l’édition. J’ai donc vécu de manière beaucoup plus intense la période de recherche d’éditeur. Quant au final, Oskar Editeur a signé le roman, c’était une grande joie. Chaque soumission de manuscrit est un moment très particulier, pas facile à vivre. Il faut être prêt à encaisser des ‘non’, à recevoir des critiques. Pour ne rien vous cacher, je suis d’ailleurs en plein dans le processus pour mon quatrième roman à l’heure où j’écris ces lignes ! Avant de publier un livre, le faites-vous lire à des personnes de votre entourage ? Parfois, mais je les fais surtout lire à des bêta lecteurs que je ne connais en général que virtuellement, et qui ne craindront pas de jouer du bic rouge pour m’aider à retravailler le manuscrit et le rendre meilleur avant de l’envoyer aux éditeurs. Quels sont vos projets ? Mon quatrième roman est écrit et en recherche d’éditeur. C’est une nouvelle fois un roman ados / young adults. Sentez-vous libres de brûler quelques cierges ou de sacrifier quelques petits animaux innocents pour qu’il trouve une bonne maison (à défaut, si la cruauté n’est pas votre truc, vous pouvez toujours croiser les doigts). J’ai aussi un projet d’album pour les plus petits, illustré par la très talentueuse Lola Piveteau, qui cherche lui aussi une terre d’accueil. Et pour faire bonne mesure, j’ai débuté l’écriture de ce qui pourrait bien être une série pour ados, mais j’en suis encore aux prémices de l’histoire. Pour ceux qui ne connaîtraient pas encore votre univers, que leur diriez-vous afin de les inciter à le découvrir ? Pour moi, un livre doit être une parenthèse d’évasion qui nous entraine à la découverte d’autres possibles tout en donnant un éclairage sur notre monde. Alors j’écris des livres pour rêver, vibrer, s’émouvoir, des livres pour plonger au cœur de l’adolescence, de l’humain, de société réelles ou imaginaires, des livres pour voyager au cœur de la terre, au bout du monde ou entre les siècles. Alors, prêts à embarquer avec moi ? |
Date de l'interview : Juillet 2017 © Des encres sur le papier