Parlez-nous un peu de vous Fabrice Pittet...
D’où vous est venue cette passion
pour l’écriture ? Avant la première ligne jetée sur le clavier de mon écran, j’ai nourri une indéfectible passion pour l’imaginaire, et ce de plusieurs façons : en lisant beaucoup, en m’adonnant aux jeux vidéo ou aux jeux de rôles, et surtout en regardant une foule incalculable de films et de séries télévisées. Ainsi, je me suis constitué une solide « culture » dans ce milieu, qui me sert encore aujourd’hui de socle pour mes créations littéraires. Puis, à un moment, je crois que j’en ai eu marre d’être simple consommateur. Je voulais produire, moi aussi. Donner vie à ce qui beuglait tout naturellement dans ma tête. Je me suis adonné au dessin, à la réalisation de courts-métrages… Mais très vite, j’ai ressenti les « limites » de ces moyens d’expression. A moins que ce ne fut plutôt mon incapacité à m’exprimer grâce à eux, ce qui est sans doute la meilleure des explications. Ce que je voulais, au fond de moi, c’était raconter des histoires. Ce qui est fabuleux avec l’écriture, c’est qu’il n’y a de limites que son imagination et sa faculté d’agencer des mots pour raconter ce qui doit l’être. Dans une livre, pas besoin d’un cohorte d’informaticiens pour donner naissance à une armée de guerriers en armure, pas besoin d’animatronique pour montrer un dragon ou un gigantesque monstre bien baveux… De plus, j’ai toujours été un solitaire lorsqu’il s’agit de travailler. J’aime être seul à bord, être seul à décider, sans dépendre des autres. J’ai vraiment un « souci » avec ça. Alors je crois que l’écriture m’offre tous ces avantages… Quels sont les auteurs qui vous ont inspiré(e) ? Comme je le dis souvent, je pense que je n’aurai aucune originalité avec ma réponse, mais je crois avoir eu quatre auteurs qui m’ont donné le goût de l’écriture. Chacun pour des raisons différentes. Etrangement, la rencontre avec ces auteurs m’aura pris plus de quinze ans…Il y a Lovecraft, tout d’abord, découvert lorsque je me perdais dans les dédales d’Arkham lors des parties de jeux de rôles. Puis Tolkien et Moorcock. Et enfin, le grand et l’unique David Gemmell, pour lequel je voue un culte. Parmi tous vos romans, de quels personnages êtes-vous le plus proche ? Pourquoi ? Je suis proche de tous les personnages auxquels je donne vie. Même les pires pourritures, hé hé ! Car je pense que la seule façon de créer un personnage crédible, c’est de lui insuffler un peu de sa personnalité d’auteur, ne serait-ce qu’une toute petite paillette. Bien entendu, certains personnages me sont plus chers que d’autres, car ils agissent parfois comme de vrais prolongements de ma propre philosophie du monde. Un personnage, qu’il soit bon ou mauvais, n’en reste pas moins un « ami » qui accompagne l’auteur. Pour ma part, c’est d’ailleurs l’une des plus belles sensations éprouvées dans cette passion. Comment vous sentez-vous à l’approche de la sortie d’un de vos livres ? Je n’ai pas sorti grand-chose pour le moment. Quelques nouvelles et romans-courts ainsi qu’un gros recueil à paraître à la fin de l’année. Mais l’impression est jouissive, bien entendu. Plaire à un éditeur, c’est plaire à quelqu’un d’autre qu’à soi-même. Et c’est surtout plaire à quelqu’un qui « mise sur vous ». C’est pour moi un témoignage fort de respect et de confiance. Comment réagissez-vous face aux critiques négatives ? Les critiques négatives font mal. N’ayons pas peur des mots. Elles touchent votre travail, qui n’est autre que l’émanation de votre « intimité ». Vos écrits, c’est vous, d’un certain point de vue. Quelque part, critiquer un texte revient à critiquer l’humain qu’il y a derrière. On pourrait bien entendu mettre une quantité de bémols à cette déclaration, mais je crois qu’il y a un fond de vérité là-dedans. Je me rappelle de mes mauvaises notes, sur le banc d’école, lorsque j’avais bossé comme un dingue pour une épreuve. Le sentiment qu’on éprouve à la lecture des critiques y ressemble grandement. Pour ma part, j’ai appris à trier le grain de l’ivraie. Car si certaines remarques constituent un moyen génial de se remettre en question pour progresser, d’autres ne sont que le reflet d’une subjectivité très forte. Chaque lecteur a des attentes, des envies, des besoins qui lui sont propres. En cela, le livre parfait n’existera jamais, malgré toute la bonne volonté du monde. Du coup, j’essaie toujours de retenir ce qui me semble pertinent dans les critiques que je reçois. Il ne faut surtout pas fermer les yeux sur ce que les autres pensent de votre travail, mais il ne faut pas non plus tomber dans l’excès, à toujours vouloir contenter tout le monde. On ne peut pas plaire à tout le monde. Il faut donc de la mesure. A l’auteur de choisir. Mais j’insiste : il ne faut surtout pas considérer une critique comme un coup de poignard asséné avec hargne. Car la plupart sont des tremplins sur lesquels on peut s’élancer pour atteindre le meilleur de nous-mêmes. Il faut rester humble et ne pas partir du principe que « l’autre n’a pas compris que je voulais dire ». |
Avec quel(s) auteur(s) aimeriez-vous travailler ?
Si c’est pour l’écriture d’une histoire à quatre mains, je répondrais très simplement « personne ». Cela va d’ailleurs de pair avec ce que je dis plus haut à propos de mon besoin de travailler seul. Mais la vie a trop souvent donné raison à un célèbre adage pour que je reste catégorique jusqu’au bout. Vous savez, l’histoire de la fontaine dont on ne veut pas boire l’eau… Il y a toutefois un projet qui me tiendrait à cœur, c’est de bosser sur une bande dessinée ou un livre illustré. J’ai plusieurs amis dans le milieu de l’illustration, justement, et certains ont d’ailleurs produit des dessins sur la base de mes écrits. Et je dois admettre que c’est assez fabuleux d’assister à l’émergence de son imagination sur un écran ou du papier… Cela a-t-il été compliqué de faire publier votre premier manuscrit et comment cela s’est-il passé ? Pour ma part, le plus difficile fut de franchir l’étape des relectures personnelles pour passer à la stressante expérience du test chez des bêta-lecteurs. J’ai repoussé l’échéance, encore et encore. Infatigable insatisfait que je suis, je suis très critique vis-à-vis de mon travail. Il m’est quasiment impossible de relire mon texte sans lui faire subir des modifications, aussi minimes soient-elles. Et je sais que je ne suis pas le seul dans ce cas… Mon premier envoi à une maison d’éditions a donc pris du temps. Plusieurs années, durant lesquelles j’ai écrit chaque jour ou presque… "La Gloire Ecarlate" est donc l’histoire avec laquelle tout a commencé, et je crois pouvoir affirmer qu’elle a rencontré un petit succès sympa, à son échelle humble. Fantasy Editions a eu confiance en moi, et je peux vous dire que les discussions ont été nombreuses. C’est très enrichissant d’échanger sur la base de son propre travail. Avant de publier un livre, le faites-vous lire à des personnes de votre entourage ? Oh que oui ! C’est même très important, ne serait-ce que pour les coquilles que je ne vois plus, à force de parcourir encore et encore les mêmes lignes. Un regard extérieur est indispensable, tant pour le fond que pour la forme. Quels sont vos projets ? Je viens de terminer "Les Chroniques Ecarlates, entre Chien et Loup", un recueil de six romans courts, paru chez Fantasy Editions sous format papier. Je vais donc assurer un peu de promotion pour ce livre, qui m’aura pris, mine de rien, deux ans de boulot intensif. Sinon, en ce moment, je bosse sur plusieurs histoires courtes en parallèle, dont l’une est plutôt un roman de Science-Fiction avec quelques 270’000 caractères. Je travaille aussi sur un gros pavé de « Fantasy carcérale » qui va encore me prendre quelques mois. Un projet de longue haleine, avec des trognes pas commodes, de la baston, du sang et des gros mots ! Et j’ai toujours quelques idées qui cognent aux portes de mon esprit, et il va bien falloir que je les laisse entrer, une fois ou l’autre. Je pense continuer à œuvrer dans le roman mais aussi dans le roman court, et poursuivre peut-être les histoires de certains personnages issus de mon recueil « les Chroniques Ecarlates ». Tout ça en participant de temps à autre à des appels à textes ici et là… Pour ceux qui ne connaîtraient pas encore votre univers, que leur diriez-vous afin de les inciter à le découvrir ? Je pense que mon travail s’adresse avant tout à ceux qui aiment la Fantasy assez brute, assez violente. Mais à la vérité, c’est une question piège à laquelle j’ai de la peine à répondre. J’ai réussi à plaire à certains néophytes en la matière, des gens qui ne sont pas forcément versés dans ce style. En fait, lorsque je travaille, lorsque j’aligne les lignes, je me force à produire ce que j’aimerais lire chez les autres. En gros, j’écris ce que j’aime lire. J’ai donc des thèmes de prédilection, comme la bravoure, les causes perdues d’avance, la témérité, la vieillesse, le sacrifice, le devoir, l’amour d’une femme, d’un enfant... J’aime peupler mes histoires de monstres, d’horreurs sans nom, de créatures, décrites parfois avec un souci du détail quelque peu scientifique. Une déformation professionnelle, sans doute, puisqu’à la base je suis biologiste. ^^ J’aborde le côté noir de l’humain et je saupoudre tout ça avec de l’action, des batailles, des duels. Même si la plupart de mes histoires sont assez sombres, j’essaie toujours de montrer autre chose, comme une lueur d’espoir. J’aime dépeindre une perle de bien au milieu d’un océan de mal. Ça ne rend ce bien que plus beau, justement. J’ai un goût très prononcé pour le cinéma épique, et beaucoup de personnes m’ont dit qu’elles le ressentaient à la lecture de mes pages. J’ai de plus une façon très « cinématographique » de montrer les choses. Je vois la scène se jouer devant moi, avec des plans séquences, des ralentis, des prises de vue… Et il ne me reste plus qu’à décrire tout ça. Je sais que plusieurs auteurs fonctionnent de la même manière. Aventure, frissons, frissons, émotions… J’espère y être arrivé. Mais toutes ces choses, au final, c’est au lecteur d’en décider. |
Date de l'interview : Octobre 2016 © Des encres sur le papier