Parlez-nous un peu de vous Ian Manook...
D’où vous est venue cette passion
pour l’écriture ? Je n’ai aucun souvenir de quand l’envie d’écrire m’est venue. Je crois qu’elle a toujours été là. La paresse, les voyages, l’amoncellement du quotidien, l’amour des miens l’ont sans doute émoussée pendant longtemps, mais elle ne m’a jamais quitté. J’ai toujours écrit, ne serait-ce que quelques lignes par jour, depuis presque cinquante ans maintenant. Puis au fur et à mesure que ma vie se faisait, que je me sentais à l’abri pour moi et les miens, que l’âge me donnait plus de temps, l’envie s’est aiguisée à nouveau. Alors j’ai repris les ébauches de manuscrits qui encombraient mes placards en pensant les terminer, mais c’est à ma plus jeune fille que je dois le vrai déclic ( en fait un joli coup de pied au cul, d’un point de vue moral, bien entendu). Elle ne lirait plus rien si je ne terminais pas quelque chose. J’ai donc fait avec elle le pari d’écrire deux livres par an, dans un genre différent à chaque fois, et sous un pseudonyme différent lui aussi. Et c’est ainsi que j’ai donné corps à cette envie qui me taraudait depuis si longtemps. Quels sont les auteurs qui vous ont inspiré(e) ? J’ai des inspirations contradictoires et qui sont révélatrices de mon âge. D’une part des nouvellistes ou des auteurs de romans courts : Zweig, Buzzati, Malaparte, Salinger, Steinbeck… et d’autre part des auteurs avec du souffle : Faulkner, Welsh, Michener, Hailey, Heller. Dans le thriller, je me suis arrêté à Forsyth, Le Carré et Ludlum…Mais mon livre de référence reste "L’Arrangement" de Elia Kazan. Parmi tous vos romans, de quels personnages êtes-vous le plus proche ? Pourquoi ? Curieusement je me sens très proche de Toulouse, un des personnages de "Tarko", mon roman pour la jeunesse qui vient de paraître. Probablement parce que je me suis inspiré d’un aventurier que j’ai bien connu et avec qui nous avons fait les 400 coups pendant mon séjour dans le Mato Grosso au milieu des années soixante dix. De la même façon, toujours dans Tarko, j’aime bien Mardiros, l’improbable shamane-notaire de la prison autogérée de Chocabamba (En vrai Cochabamba en Bolivie). Le modèle de ce personnage c’est un petit tailleur arménien que gamin je rencontrais tous les jours sur le chemin de l’école et qui nous offrait à gouter à ma sœur et à moi. Je l’ai retrouvé exilé et perdu à New York en 1966. Il habitait la jungle urbaine du Bronx et m’a hébergé pendant trois mois. Dans la saga" Yeruldelgger", je me sens très proche de Oyun et de Gantulga, probablement parce qu’ils représentent la Mongolie contemporaine qui échappe de plus en plus à Yeruldelgger. Et bien entendu, je me sens très proche de Zarza. Et ce n’est pas un hasard si à la fin des "Temps Sauvages", ce dernier met Oyun et Gantulga à l’abri… Comment vous sentez-vous à l’approche de la sortie d’un de vos livres ? J’aime croire que je n’ai pas d’angoisse particulière, ce qui est en partie vrai car j’écris beaucoup plus vite que mon éditeur ne me publie. Mon troisième polar Mongol ne sortira qu’en octobre ou novembre 2016 alors que je l’ai rendu en septembre 2015, ce qui signifie que j’ai commencé à travailler dessus en janvier de la même année. Quand il sortira, je serai depuis plus d’un an au cœur d’une nouvelle histoire avec peut-être de nouveaux personnages. Ceci dit, dès qu’il sortira, je serai quand même quotidiennement scotché à Datalib pour voir comment il se classe dans les 100 premiers, et chaque semaine sur Edistat pour surveiller les ventes… |
Comment réagissez-vous face
aux critiques négatives ? Pour l’instant plutôt bien parce que je n’ai pas beaucoup de mauvaises critiques. À part deux ou trois bloggeuses, personne n’a descendu en flammes les deux premiers romans. Les seules critiques que j’ai du mal à encaisser, ce sont celles qui me mettent en cause en tant que personne, plus qu’en tant qu’auteur. Une lectrice a dit de moi que j’étais un « Google map voyageur », insinuant que ce que je dis de la Mongolie ne serait qu’une compilation d’informations Wikipédia. Une autre a vu, dans la scène du viol d’Oyun, une complaisance de ma part envers la violence faite aux femmes, ce qui est à des années-lumière de ce que je pense et de ce que je suis. En fait, je crois que je suis prêt à accepter n’importe quelle critique sur mon livre de la part de gens qui l’ont lu, mais aucune sur l’auteur de la part de gens qui ne me connaissent pas. Avec quel(s) auteur(s) aimeriez-vous travailler ? Je ne suis pas sûr d’avoir la capacité de travailler à quatre mains ou plus. Si je devais le faire, ce serait très probablement avec Eric Maravelias, l’auteur de "La Faux Soyeuse". Mais en fait cela dépendrait surtout du projet dans lequel on voudrait m’intégrer. Sur un projet intéressant, je serais prêt à l’envisager avec pratiquement tous les auteurs que je croise dans les salons et les signatures et avec qui j’ai noué des liens d’amitiés. Cela a-t-il été compliqué de faire publier votre premier manuscrit et comment cela s’est-il passé ? J’ai envoyé le manuscrit à la Série Noire qui l’a refusé parce qu’il ne correspondait « pas du tout » à sa ligne éditoriale, et je l’ai fait déposer chez Albin Michel qui l’a accepté, tout simplement. Avant de publier un livre, le faites-vous lire à des personnes de votre entourage ? Oui. Il y a quatre personnes à qui je soumets la première mouture de mes manuscrits et qui m’ont toujours été d’excellent conseil. Quels sont vos projets ? À l’âge que j’ai, je ne cherche à construire ni une œuvre, ni une carrière. J’ai écrit un troisième polar mongol, et je travaille sur un autre thriller. À partir de là j’ai plusieurs choix possible : Faire de ce nouveau thriller le début d’une trilogie, faire une parenthèse plus littéraire avec deux romans « de blanche » qui sont déjà bien avancés, ou puiser dans la vingtaine de manuscrits déjà bien entamés que je stocke sur une clé USB pour en faire aboutir un ou deux. Je verrai selon l’humeur et la suite des événements… Pour ceux qui ne connaîtraient pas encore votre univers, que leur diriez-vous afin de les inciter à le découvrir ? Curieusement, je les inviterais à lire mon roman jeunesse, TARKO, parce qu’il ressemble à la jeunesse que j’ai eue. Je l’avais écrit avant les polars mongols, et j’y ai mis, dans l’écriture, la construction et l’intrigue, tout ce qui me ressemblait. Et pour l’adulte que je suis devenu ensuite grâce notamment aux voyages, je leur recommanderais la lecture du Temps du Voyage, Petite causerie sur la nonchalance et les vertus de l’étape, paru chez Transboréal, et qui résume une partie de ma philosophie de la vie. Et accessoirement, on y comprend pourquoi, quelques années plus tard, j’ai baptisé le héros de mon polar mongol Yeruldelgger… |
Date de l'interview : Avril 2016 © Des encres sur le papier