Parlez-nous un peu de vous Rodrigo Arramon...
D’où vous est venue cette passion
pour l’écriture ? Depuis tout jeune. La première fois où je me suis mis à écrire, c’était au Cameroun, en 1985, j’avais 11 ans. Mon premier fanzine, même si à l’époque je ne savais pas que cela existait. Il s’appelait la Lumière de Maroua. Il y avait une petite histoire d’horreur et une bd de quelques cases sur des vautours. Il y a eu 3 numéros à chaque fois en 3 exemplaires que je faisais en utilisant du papier carbone noir que mon père me donnait. Ensuite… Il faudra attendre mes quinze ans. C’est là que l’écriture est devenue régulière. Le français n’est pas ma langue maternelle et pour m’exercer j’avais décidé d’écrire des nouvelles, une par semaine. Au début, j’ai pastiché Lovecraft et King… Puis Tolkien… Enfin, j’ai commencé mon premier roman à 16 ans : un space opera ! Il est toujours dans mes tiroirs. J’écrivais même en cours de maths… La passion est venue par la lecture je pense, et puis par l’envie de pouvoir dompter cette si belle langue qu’est le français. Quels sont les auteurs qui vous ont inspiré(e) ? Il y a deux groupes. Un groupe d’auteurs dont j’essaye de m’inspirer car j’aime beaucoup leur plume : David Gemmel, Tolkien, Brin, Eddings, King, Baudelaire, Poe, Stoker, MacCaffrey... Un autre groupe qui a beaucoup influencé ma pensée que l’on retrouve forcément dans les ambiances, mes tournures : Camus, Boyd, Malraux, Verlaine… Mais si je dois vraiment isoler des auteurs qui m’inspirent dans mon écriture et aussi dans mon univers : José Farmer, Pratchett, Gemmel et Grimbert. Parmi tous vos romans, de quels personnages êtes-vous le plus proche ? Pourquoi ? Je suis très proche du personnage d’Aliate qui appartient aux "Chroniques des Territoires". Au départ c’était un personnage secondaire qui ne devait pas avoir d’importance. Elle était là pour donner un ressort dramatique à l’histoire. Mais par la suite, je me suis rendu compte qu’elle occupait une place centrale, même si ce centre demeurait légèrement à l’écart de l’intrigue principale. Je lui ai consacré une histoire courte qui porte son nom. Je pense sérieusement à écrire un livre qui lui sera entièrement consacré, de sa naissance à sa mort. Une biographie. Un travail qui va me demander plusieurs années. Pourquoi ? Car c’est une femme de caractère, pas un faire-valoir ou une héroïne prétexte. Elle m’inspire le plus profond respect. Je suis très proche aussi de Carol Eagle, un personnage du Manoir Steamaker, un roman steampunk. Je me suis inspiré pour la créer de Caroline Aigle, une aviatrice française pour qui j’ai beaucoup d’estime et dont la tragique histoire m’a bouleversé. Comment vous sentez-vous à l’approche de la sortie d’un de vos livres ? C’est une terrible angoisse. C’est le sentiment qui arrive en premier. Angoisse d’avoir laissé des coquilles, de mauvaises tournures… Angoisse de m’être trompé dans une description… L’impatience aussi ! Recevoir l’objet final, c’est une délivrance : je le regarde sans oser le toucher, puis je le prends délicatement, le regarde, l’ouvre avec douceur. Je le sens aussi… C’est assez physique en fin de compte. Vient ensuite l’attente des premiers retours des lecteurs. Comment réagissez-vous face aux critiques négatives ? Bien. Je pars du principe qu’on ne peut pas plaire à tout le monde. Une critique se doit d’être constructive. Un « C’est nul » ou un « Je n’aime pas », ne sont pas des critiques mais des avis subjectifs. Je les respecte. Moi aussi il m’arrive de ne pas accrocher à un roman sans pour autant avoir un avis construit. Un avis qui donne des pistes de réflexions c’est très intéressant. Je me refuse à être blessé par une critique négative, même si quelque part on se dit « Mince… », le moment juste après c’est « Bon, comment faire mieux !? ». L’écriture, le français, c’est une souffrance pour moi. Je dois le triturer, le travailler, revenir encore et encore sur le style afin de le rendre le plus « autochtone » possible. Je n’ai pas de talent particulier, mais à force de travail, de sueur, j’arrive à écrire. |
Avec quel(s) auteur(s) aimeriez-vous travailler ?
Je rêve de travailler avec deux auteurs. Le premier, Pierre Grimbert, dont j’ai adoré « Le Secret de Ji ». Ecrire quelque chose en collaboration avec lui, serait une leçon impressionnante. Le deuxième, c’est un dessinateur japonais, Urasawa Naoki, le papa de "Happy "! , "Monster", des "2Oth Century Boys"… Je voudrais écrire un roman qu’il pourrait adapter en manga ou illustrer. Mais pour les deux, c’est un rêve inaccessible. Cela a-t-il été compliqué de faire publier votre premier manuscrit et comment cela s’est-il passé ? Mon tout premier manuscrit, c’est "Marl le Chevrier". Au début c’était un scénario de bd. Je pense que le découpage illustré doit encore être visible sur internet, quelque part… Ensuite, j’ai décidé de m’entraîner à l’écriture et j’ai transformé le scénario pour qu’il devienne un feuilleton. Je publiais un chapitre très court par semaine. Deux facteurs sont venus me pousser vers un éditeur. Le premier, triste, ce fut le décès de mon papa en 2012. Cela m’a profondément ébranlé. J’ai pris conscience qu’il ne pourrait jamais voir un de mes livres. Quelques temps plus tard, Nicolas Jéhanno, un camarade qui présidait l’association Chacalprod que je fréquentais comme dessinateur amateur m’a envoyé un message pour me dire qu’une jeune maison d’édition cherchait des manuscrits… Il m’a encouragé à lui envoyer quelque chose. J’ai osé. J’ai proposé deux manuscrits. Emmanuel Millet, le patron de RroyzZ éditions m’a recontacté presque immédiatement pour me dire que "Marl le Chevrier" l’intéressait. Je devais transformer un feuilleton de 50 pages en un roman. Après presque un an de travail j’ai envoyé le manuscrit définitif. L’attente a été terrible. Du coup j’ai commencé l’écriture d’un autre ouvrage, histoire de ne pas trop y penser. Emmanuel m’a rendu ma copie, copieusement annotée avec un avis positif pour la publication. Ses conseils m’apportent beaucoup. Avant de publier un livre, le faites-vous lire à des personnes de votre entourage ? Oui. Pour les "Chroniques des Territoires", mon univers de fantasy principal, c’est Nicolas Jéhanno qui est le premier lecteur. Il me conseille sur la cohérence de l’histoire, sur le déroulement. Son travail est essentiel. Je lui dois beaucoup. Mon épouse va ensuite relire pour la première correction orthographique. Sur le tome 3, Sarann des Empires, Elodie Bonnat est venue s’ajouter à la liste : elle possède un très bon œil pour la syntaxe et le style. Enfin, le tout premier lecteur de mes premiers jets, c’est Nikus Tim’s, qui a réalisé la couverture de la deuxième édition de "Marl le Chevrier" et celle de "Sarann des Empires". Cet illustrateur développe une véritable passion pour les Chroniques. Il parle souvent de donner vie à un artbook autour de cet univers. Quels sont vos projets ? Actuellement je travaille sur le tome 4 des "Chroniques des Territoires". Il va clore le cycle commencé avec "Marl le Chevrier". Je publie aussi un feuilleton de science-fiction sur la plateforme Scribay. Pour la suite, je souhaite écrire un roman fantastique. Et un énorme roman sur Aliate ! Pour ceux qui ne connaîtraient pas encore votre univers, que leur diriez-vous afin de les inciter à le découvrir ? "Les Chroniques des Territoires" c’est de l’Aventure, un vaste univers créé pour abriter des héros, bons comme mauvais, des héroïnes fortes et qui ne sont pas là comme des prétextes ; créé pour vous faire rêver, pour vous entraîner hors du quotidien. « Marl posa sa main calleuse sur le livre du scribe Fab le Pecqueux avec une moue dubitative. Il grogna en se levant, l’épée dans son dos percutant au passage le chandelier qui pendait au plafond. - Ecoute-moi bien l’écrivaillon, si tu veux connaître mes aventures, tu n’as qu’à me suivre au lieu de rester le derrière à lustrer le bois d’une chaise… Le chevalier fit un pas vers la porte et l’ouvrit. Une femme aux cheveux roux se retourna pour l’accueillir. Le fantôme d’un puissant guerrier chauve, les bras croisés, toisa Fab d’un sourire moqueur. Marl se plaça entre eux, son équipement rouillé n’inspirait pas la confiance. -Alors, tu viens ? On a une guerre à terminer ! Des culs de démons à botter et accessoirement quelques péquenauds à sauver… On a besoin de ta plume, qui sait, quelque chose d’intéressant pourrait en jaillir… » |
Date de l'interview : Juillet 2017 © Des encres sur le papier