Parlez-nous un peu de vous Sébastien Lepetit...
D’où vous est venue cette passion
pour l’écriture ? D’aussi loin que je me souvienne, j’ai aimé les mots. D’abord, j’ai aimé lire, beaucoup lire, surtout les histoires. Aujourd’hui encore, j’ai besoin qu’un roman me raconte une histoire. Je crois avoir toujours écrit. Des textes courts, des poèmes, tout ce qui me passait par la tête, soit pour raconter des histoires, soit pour exprimer ce que je ressentais. Puis de pages en pages, j’ai fini par écrire des romans, mais assez tardivement. Quels sont les auteurs qui vous ont inspiré(e) ? Ils sont de tous ordres. Des classiques comme Victor Hugo ou Proust, j’ai gardé l’amour de la langue et le plaisir des descriptions qui vous font pénétrer dans le roman comme dans un film, avec les images. Chez Maupassant ou Alexandre Dumas, c’est le sens de la narration, la puissance de l’histoire, qui m’ont le plus marqué. Chez Agatha Christie ou Georges Simenon, j’ai aimé le sens de l’intrigue, du suspense, et la précision des faits, des indices. Mais je pourrais en citer des dizaines comme Pierre Magnan, Iain Pears, Umberto Eco, Anne Perry, Ellis Peters, etc. Parmi tous vos romans, de quels personnages êtes-vous le plus proche ? Pourquoi ? J’ai probablement mis des bouts de moi dans tous les personnages. Comme le commissaire Morteau dans « Merde à Vauban » ou dans « L’origine du crime », j’ai le goût du temps qui passe, des paysages et des bons plats. Mais je suis aussi impatient que Fabien Monceau, son adjoint, aussi naïf que Barnabé dans « Barnabé » ou aussi rêveur que Vincent Beaufils dans « La Korrandine de Tevelune »… Je suis un peu comme Flaubert lorsqu’il disait « Madame Bovary, c’est moi ». Je suis un peu tous mes personnages. Comment vous sentez-vous à l’approche de la sortie d’un de vos livres ? En fait, lorsqu’un roman paraît, c’est que je l’ai terminé depuis plusieurs mois, souvent au moins un an. Alors pour être honnête, je suis alors déjà plongé dans le suivant. Umberto Eco disait dans l’Apostille au Nom de la rose « L’auteur devrait mourir après avoir écrit, pour ne pas gêner le cheminement du livre ». Sans aller jusque-là, je crois vraiment que le roman ne m’appartient plus dès lors qu’il est publié. Il appartient aux lecteurs qui s’y projettent. Chaque lecteur y voit son propre univers, construit ses propres images, vit sa propre histoire. La lecture est un plaisir solitaire dont l’auteur est exclu. Comment réagissez-vous face aux critiques négatives ? J’ai la chance d’en avoir fort peu. En fait, il est normal que certaines personnes ne soient pas sensibles à ce que j’écris. Il y a largement de quoi satisfaire tout le monde. Je suis toujours perplexe lorsque je lis une critique négative, surtout quand elle concerne un autre auteur. Je me demande souvent à quoi cela sert. En tant que lecteur, je vais plutôt voir si les raisons pour lesquelles un chroniqueur a aimé tel ou tel livre me touchent, et si oui, je suis tenté de lire. Mais les raisons pour lesquelles il n’a pas aimé sont rarement pertinentes pour moi. Ses goûts sont différents des miens. Et j’aime être surpris. Mes plus grands plaisirs de lecture ont été sur des romans que je n’aurais à priori pas pensé à lire. Si un roman ressemble à ce que j’aime, c’est qu’il ressemble à ce que j’ai déjà lu, et je n’ai pas de surprise, donc peu de plaisir, voire de l’ennui. |
Avec quel(s) auteur(s) aimeriez-vous travailler ?
Aucun. Les autres auteurs, je les lis. Mais l’écriture, je veux dire l’acte d’écrire, est vraiment trop personnelle, voire trop intime, pour être partagée. Cela a-t-il été compliqué de faire publier votre premier manuscrit et comment cela s’est-il passé ? Cela m’a pris plus de dix ans. J’ai essuyé bien des refus, certains étayés, la plupart très génériques. Puis un jour, tout s’est débloqué : mes trois premiers romans ont été publiés en quelques mois. Pierre Magnan expliquait fort bien combien le succès ou l’insuccès ne sont guère significatifs. C’est une question de rencontre avec un éditeur et des lecteurs. Et comme pour une rencontre amoureuse, bien malin celui qui saurait dire pourquoi à ce moment-là, avec cette personne-là, quelque chose s’est produit ou ne s’est pas produit. Un éditeur ne publie pas pour nous faire plaisir, mais parce qu’il a eu un coup de cœur, parce qu’à ce moment précis, il a eu la conviction que cela pouvait plaire à ses lecteurs. Avant de publier un livre, le faites-vous lire à des personnes de votre entourage ? Je le soumets à quelques personnes proches dont je sais le jugement sûr et implacable. Je n’ai nul besoin que l’on me dise que c’est génial. Cela n’aurait aucun intérêt, si ce n’est flatter en vain mon égo. En revanche, une vraie critique, soulignant sans complaisance ce qui est bon et ce qui ne l’est pas, est très précieuse pour progresser. J’ai la chance d’avoir parmi mes proches quelques personnes qui savent m’apporter cela. Quels sont vos projets ? J’écris actuellement une troisième enquête du commissaire Morteau, autour de la Transjurassienne. Après deux enquêtes dans des univers marqués par la culture, l’architecture et l’histoire avec « Merde à Vauban » puis la peinture de Courbet avec « L’origine du crime », j’ai décidé de m’intéresser un peu au sport avec le ski de fond de haut niveau. J’avais aussi envie d’aller promener mon duo d’enquêteurs en plein hiver dans le Haut-Jura. Là encore, l’intrigue sera surprenante et je ne pense pas que les lecteurs devineront le fin mot de l’enquête avant les dernières pages. Ensuite, je prépare un roman plus historique, dont la trame sera le destin de familles coupées à plusieurs reprises par les frontières et les lignes de front entre l’Allemagne et la France durant les trois guerres de 1870, 1914 et 1939. Je m’intéresse surtout à la vie des gens ordinaires pendant ces guerres et à l’arrière des lieux de combat. Pour ceux qui ne connaîtraient pas encore votre univers, que leur diriez-vous afin de les inciter à le découvrir ? Chaque roman est différent. Mais s’il y a un point commun à tous, c’est que les lieux dans lesquels ils se déroulent sont presque des personnages à part entière. Il serait impossible de placer les mêmes histoires à d’autres endroits. J’aime respecter toutes les règles du roman policier, mais je les utilise pour emmener le lecteur avec moi dans un univers particulier : l’histoire de la langue et d’un site avec « La Korrandine de Tevelune » où l’on enquête dans différentes périodes de l’histoire, le monde naïf et touchant de Barnabé que l’on accuse d’être devenu pyromane parce qu’il se sentait rejeté à cause de son handicap mental, l’architecture de Vauban et la vie d’une équipe municipale dans « Merde à Vauban » ou encore les tableaux réalistes de Gustave Courbet qui ont révolutionné la peinture au XIXe siècle dans « L’origine du crime ». En somme, le lecteur de polar apprend en s’amusant, et c’est précisément ce qui m’amuse. |
Date de l'interview : Septembre 2016 © Des encres sur le papier