Parlez-nous un peu de vous Sylvain Lamur...
D’où vous est venue cette passion
pour l’écriture ? De la lecture, sans doute. J'ai eu la chance d'avoir une mère qui me racontait des histoires, enfant ; par la suite, très rapidement, je me suis mis à en lire plus ou moins rapidement, et comme ça me paraissait tellement fabuleux, je me suis dit que j'avais qu'à m'y mettre moi aussi. Il faut absolument que les parents prennent le temps de raconter des histoires à leurs enfants, on ne le répétera jamais assez. Ça, et un brossage des dents régulier, ça vous change la vie. C'est aussi un besoin d'évasion qui vient sans doute de toutes les difficultés rencontrées avec la réalité, ressentie parfois comme un peu rugueuse, incompréhensible, et surtout trop peu malléable. Chacun le gère comme il peut, moi, c'est en racontant des histoires. C'est d'ailleurs une thématique qui revient assez souvent dans mes textes. Quels sont les auteurs qui vous ont inspiré(e) ? Je vais citer en premier Enyd Bliton, et son personnage de Jojo Lapin, dont on ignore souvent qu'il est inspiré des contes de Brother Rabbit importés d'Afrique en Amérique par les esclaves noirs. Ça change un peu la perspective, quand même, et c'est le genre de petits détails qui me font aimer la littérature, et la vie en général. Je me souviens avoir été absolument épaté par la ruse de ce put*** de lapin, qui avait vraiment des idées de malade pour échapper à Maître Renard. Après cela, il y a eu James H. Brennan, dont le Pip qui réécrivait la Quête du Graal de façon absolument loufoque dans les Livres Dont Vous Êtes le Héros a bouleversifié mon enfance. Ensuite, pour faire plus court, Orwell, Barjavel, Vian, King, Tim Powers (dont je me sens assez proche en tant qu'auteur, peut-être à tort), Italo Calvino, Mark Twain, Jean Giono, G.G. Marquez... j'arrête là la liste, qui pourrait s'avérer interminable et à laquelle de nouveaux auteurs viennent s'ajouter presque chaque mois. J'ai eu une révélation avec les contes « horrifico-burlesques » d'Edgar Poe (l'Ange du bizarre, le Roi-Peste...), et les textes des contrées du rêve de Lovecraft... puisque j'en suis à citer les grands maîtres. Parmi toutes vos histoires, de quel(s) personnages êtes vous le plus proche ? Aucune idée. Je dirais, tous, et aucun, même si c'est un peu enfoncer des portes ouvertes... On reproche souvent à mes personnages un côté très banal, voire passif ou impuissant, qui agace. Je ne suis pas certain que cela corresponde à ce que je suis, mais cela donne sans doute une assez bonne idée de la façon dont je perçois le monde. Je ne crois pas aux super-héros, sûrement à cause d'un optimisme qui m'incite à croire qu'il n'y a pas de super-vilains non plus, en dépit de toutes les évidences qui se présentent à moi chaque jour. Je persiste à croire qu'il n'y a qu'une belle tripotée de pauvres types et de pauvres filles qui font de leur mieux avec ce qu'on leur a donné, et que si on veut que les choses s'arrangent, il faut arriver à donner un peu mieux aux suivants. Que racontait la première histoire que vous ayez écrite ? C'étaient les Aventures de Sylvanor... disons, ce qui pourrait se rapprocher le plus d'une de ces interminables sagas fantasy, pour un enfant de 10 ans. En gros, j'allais chiper des sarments dans le jardin de mon grand-père pour m'en faire des épées, je courrais dans la garrigue tout autour, et quand il me fallait rentrer parce que la nuit tombait, j'écrivais tout ça dans les cahiers de brouillon rouges ou verts de l'école, histoire de savoir où recommencer le lendemain. Quelle histoire à eu le plus de succès ? J'en sais rien ! La majorité de mes textes ont été publiés dans des revues ou des anthologies, et on n'a généralement droit qu'à des critiques collectives, ou très spécifiques. En ce qui concerne les histoires qui ont été publiées « en mon nom propre », je ne saurais pas vraiment dire non plus. Le Sens de la Vie (chez House Made of Dawn) a reçu une majorité de critiques positives, mais comme il y en a eu aussi des plutôt mauvaises... Et je n'ai eu pratiquement aucune chronique pour les Contes de l'Homme Cauchemar, c'en est parfois à croire à une machination diabolique... Bon, j'ai réussi à avoir quelques retours ici et là, et on me fait beaucoup de compliments sur « Comme en Songe », la première nouvelle (une novella, en fait) du recueil. Sur les autres aussi, vous me direz... mais celle-là semble particulièrement marquer les esprits. Nicholas, d'Otherlands, voulait appeler le recueil comme ça, au départ. Cela me fait bizarre, parce que j'y ai mis pas mal d'éléments personnels, ce que je fais rarement dans les autres textes. Comment réagissez-vous face aux critiques négatives ? Cela dépend. Je déclare souvent à moi-même qu'il ne faut pas confondre être sérieux et se prendre au sérieux. Encore une fois, être critiqué, cela veut dire être lu, et c'est déjà extra. Je suis musicien (amateur) par ailleurs, et si je n'aime pas beaucoup monter sur scène, je me force à le faire régulièrement, parce que sans cela, je ne vois pas l'intérêt de travailler et de retravailler un instrument, si ce n'est pas pour le partager à un moment ou à un autre. C'est un peu la même chose pour l'écriture : on fait de son mieux, on propose quelque chose, et après, on touche les gens ou pas, mais l'essentiel est de le faire. Chacun a le droit d’apprécier les choses comme il veut ; il y a en France une foule de gens qui sont persuadés que Starmania est un disque phénoménal et que Johnny Hallyday a marqué l'histoire du rock, après tout. Alors, je dirais qu'il n'y pas à se fâcher parce que quelqu'un n'aime pas mon histoire, ça peut être une personne très bien, malgré tout. Gardons les pieds sur terre, on ne fait finalement que raconter des conneries, même si raconter des conneries s'approche sans doute de l'activité la plus spirituelle et essentielle qui soit, à mon sens. Et les critiques, de leur côté, ne font que donner leur avis sur les conneries que nous racontons. Cela ressemble assez vite à un cercle peut-être pas vicieux, mais quand même un peu absurde. Nous côtoyons tous chaque jour des gens qui sont confrontés (et nous le sommes nous-mêmes également) à des situations bien plus graves que de recevoir un avis négatif sur son texte Avant de publier un livre, le faites-vous lire à des personnes de votre entourage ? Non. Je le faisais, je ne le fais plus. Ils ont pas que ça à faire, et je les comprends. |
Avec quel(s) auteur(s) aimeriez-vous travailler ?
Je parlais tout à l'heure de musique, et dans ce domaine, on s'aperçoit très vite qu'il y a des affinités qui ne s'expliquent pas : quel que ce soit le niveau de chacun, il y a des fois où les choses se passent bien, on ne sait pas pourquoi, et d'autres où ça ne passe pas, et on reste là aussi incapable de l'expliquer. Pour parler aux amateurs de foot, Thierry Henry et David Trézéguet avaient tout pour faire la meilleure paire d'attaquants du monde, et pourtant, ça ne s'est jamais passé. De la même façon, je pense que travailler avec un auteur, ce serait avant tout une question d'affinités humaines. Je suppose que, dans un monde idéal, je serais capable de refuser une co-écriture avec Dan Simmons pour préférer travailler avec un vieux copain de fac (que je salue au passage, s'il me lit, l'offre a été passée il y a un petit moment, déjà...). Après, soyons clairs à propos de ce pauvre monsieur Simmons : si l'opportunité se présentait réellement, je changerais sans doute très vite d'idée ! En fait, je cherche depuis plusieurs années des illustrateurs pour me lancer dans la publication de livres de jeunesse. J'ai un tas de projets quasiment achevés et plutôt bons qui dorment et n'attendent que de trouver une plume qui les fera vivre... c'est là que l'exemple de la musique est le plus parlant : il est vraiment difficile de trouver quelqu'un avec qui partager un univers et s'entendre, que ce soit pour des raisons artistiques ou matérielles. Je me dis qu'en continuant de prospecter, avec un peu de chance, il n'y a pas de raison que cela ne finisse pas par arriver... Cela a-t-il été compliqué de faire publier votre premier manuscrit et comment cela s’est-il passé ? J'écris depuis très longtemps, mais je me suis lancé très tard dans des tentatives sérieuses de publication. Par pudeur, par manque de confiance... et de temps, surtout. Quand il faut gagner sa croûte, on est obligé de trier les priorités. J'ai donc commencé en 2012, j'approchais les 33 ans, et NON ça a rien à voir avec la mort de J.C.. Mes premiers envois ont reçu des refus, qui ont été assez difficiles à avaler, je dois l'admettre. Et puis, le premier texte sélectionné, c'est pour Studio Babel, n°3, En avant Mars ! Spéciale dédicace à René Stamegna. Comment cela s'est passé ? J'ai envoyé mon histoire dix minutes avant la dead-line, et puis quelques semaines après, ils m'ont répondu « O.K., c'est super, on la prend ». J'étais content. Le premier lourd travail éditorial, ç'a été pour Hulba, parue dans le numéro 2 d'Etherval. Je les avais trouvés (et je les trouve toujours, s'ils me lisent...!) extrêmement tatillons, voire pointilleux sur certains points, mais au final, l'exigence est toujours respectable, et rarement inutile. Comment vous sentez-vous à l’approche de la sortie d’un de vos livres ? Disons, content, ou peut-être excité, mais je ne me mets pas particulièrement la pression. Peut-être que je ne me prends pas assez au sérieux pour y penser, en fait. Je veux pas donner l'impression de faire de la lèche, mais le fait d'avoir des lecteurs, ne serait-ce qu'une dizaine, me paraît en fait être « un grand privilège », même si on en veut toujours plus. Alors, bon, quand un texte doit sortir, j'espère qu'il sera bien pris et que les gens l'apprécieront, mais en fait, tout se joue avant... et après, en fait, au moment des retours critiques. Avez-vous envie de publier un livre ou préférez-vous continuer d'écrire des nouvelles ? Depuis le départ, je me suis fixé des objectifs avec des « points de contrôle » annuels : je voulais publier tant de nouvelles dans tel type de format, et puis un peu plus l'année suivante, ou sous d'autres supports... quand on n'a pas la chance de faire BOUM dès le départ, il faut prendre les escaliers de service et monter petit à petit. Cela permet à la fois de progresser, de découvrir d'autres choses, et de se gagner une petite légitimité, ainsi qu'un réseau, ce qui est très important. Si nous rêvons tous d'être Stephen King, prendre les chemins de traverse nous permet de ne pas oublier que, pour ne citer que Zénon l'ancien, « tant ne compte pas la cible atteinte que les efforts fournis par l'archer », petit scarabée. Cette année, après trois années d'écriture de nouvelles et de soumissions frénétiques, j'ai décidé de m'attaquer à la question des romans. J'ai quelques projets en bonne voie, à divers degrés. Après, écrire et publier des nouvelles dans des revues, des anthologies, des webzines, cela a un côté très plaisant, en ce sens que cela permet, en plus de la satisfaction déjà pas négligeable de perfectionner son art, de prendre conscience du fait que l'écriture est un acte profondément social. C'est très réjouissant de partager des sommaires avec des auteurs, de les retrouver une autre fois ailleurs, et ainsi de suite... Je n'ai hélas pas le temps de tout lire, mais on fait connaissance, petit à petit. Il y a ceux qui vous agacent, ceux qui vous surprennent, ceux qui changent à chaque fois d'univers, ceux qui vous font marrer et avec qui vous vous dites que vous iriez volontiers boire un coup... C'est assez marrant. Et, comme on est souvent plusieurs à être sélectionnés (ou renvoyés dans les cordes, selon les cas), cela atténue le côté « compétition » de la chose, tout en créant une drôle de bulle, quelque chose entre l'émulation, la concurrence et la solidarité... Si vous deviez publier un livre, quel genre serait-ce ? Un best-seller international, pour pouvoir me lever à l'heure que je veux le matin. Quels sont vos projets ? Eh bien, des romans, donc. En cours d'écriture, de soumission, d'envoi... comme je l'ai dit, certains sont en assez bonne voie, et je croise les doigts pour que cela aboutisse. J'ai aussi un paquet de recueils, thématiques ou non, en attente. Le recueil se vend mal, il paraît, et il est difficile par conséquent de trouver des éditeurs. Sans compter que je suis moi-même un piètre commercial. Alors, tout ce qu'il me reste à faire, c'est d'attendre et d'essayer un autre chemin. Pour ceux qui ne connaîtraient pas encore votre univers, que leur diriez-vous afin de les inciter à le découvrir ? Euh... une amie a un jour défini mes univers comme quelque chose, si je ne me trompe pas, de « fantastico-sensualérotisme ravageur ». (Je répète, c'est pas moi qui l'ai dit.) D'autres m'ont comparé à Clifford Simak ou à Marcel Aymé. Si donc vous cherchez des histoires fantastico-sensualérotiques ravageuses à tendances Simako-Ayméïennes, lisez-moi ! |
Date de l'interview : Novembre 2015 © Des encres sur le papier